Le 26 mai avait lieu à Rennes un meeting international pour un "non" au TCE en faveur du droit des nations sans état à l'autodétermination. Des Dalton y représentait Republican Sinn Fein (www.rsf.ie), Koldo Gorostiaga (ex député européen www.ezkerraeuropan.com ) l'initiative basque pour le non, et Eric Goyenectche Anaram au Patac (gauche révolutionnaire Occitane http://perso.wanadoo.fr/anaram ). C'est Lionel Henry, militant d'Emgann-MGI et animateur du collectif nationaliste et progressiste local Asambles qui a ouvert ce meeting qui a connu une bonne couverture médiatique. Pour ceux et celles qui n'étaient pas là voici une des prises de parole.
Déclaration finale de Gael Roblin au Meeting international de Rennes du 26 mai 2005 contre le traité constitutionnel européen:
Da gentañ tout e felle din trugarekaat ac’hanoc’h evit bezañ deut fenoz da gemer perzh en hor meeting a-enep da vonnreizh Europa.Trugarez ivez d’hor mignoned deuet deus pell tre a-wezhioù evit displegañ o sav-poent hag o dielfenn diwar-benn ar vonnreizh.
Dre o bezañs amañ e Breizh e tiskwellomp splann e fell din sevel un Europa all, un Europa diazezet war gwir ar pobloù d’en em dermeniñ, da zibab o dazont broadel o unan met ivez asambles evit gallet difenn interestoù ha mad al labourerien hag ar pobloù ha n’eo ket reoù ar re gros, ar batroned. Europa ar pobloù dieub ha kengred a fell deomp sevel, skoazh ouzh skoazh gant ar broadoù all. Kement mañ na vo ket tu ober gant ar vonnreizh a ginniger deomp.
Je tenais d’abord à vous remercier toutes et tous pour votre présence ici ce soir, dans le cadre de ce meeting contre le TCE. Un grand merci aussi à nos amis et camarades venus parfois de très loin pour nous faire partager leurs analyses et point de vue sur la constitution européenne. Par leur simple présence ce soir parmi nous, nous démontrons clairement notre volonté de construire une autre Europe une Europe basée sur le droit à l’autodétermination des peuples, sur le droit à choisir leur avenir national eux même mais aussi ensemble pour défendre les intérêts et le bien des travailleurs et des peuples et non ceux des gros, des patrons. C’est l’Europe des peuples libre et solidaires que nous voulons construire, de concert avec les autres nations. Ceci n’est pas possible avec le traité constitutionnel que l’on nous propose.
Lorsqu’à Emgann nous avons débattu de notre position sur le traité constitutionnel Européen nous l’avons fait en tant que Bretons, en tant qu’indépendantistes Bretons, en tant que nationalistes décomplexés.
Nous sommes partis du constat dramatique, mais malheureusement bien réel, que l’on peut dresser de la démocratie en Bretagne.
De très nombreuses petites nations en Europe ont acquis ces dernières années un certains nombre de libertés leur permettant de défendre leurs intérêts, y compris au niveau international. Ces nations ont acquis un certain degré de souveraineté, je pense bien sur à la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie, la Tchéquie, Malte, Chypre qui ont toutes des populations numériquement inférieurs ou comparables à la celle de la Bretagne. Les Ecossais , les Gallois dans une autre mesure ont eux aussi les moyens institutionnels d’exister en tant que nations distinctes. Je ne connais pas l’histoire de tout ces pays, mais ce dont je suis sur c’est que ces acquis n’ont été possible que par ce que ces peuples se sont dotés de leaders, de mouvements politiques assumant sans complexe aucun le fait national.
En Bretagne nous n’avons pas d’institutions spécifiques, nous devons nous contenter d’un conseil régional croupion, reprenant un découpage territorial excluant la Loire-Atlantique imposé par le Maréchal Pétain. Un conseil régional qui a un budget ridicule, comparable à celui de la ville de Rennes ou à celui d’un vulgaire conseil général. Bref, un budget de comité des fêtes. Le mode d’élections à ce conseil est des plus antidémocratiques, en raison d’une loi électorale verrouillant le droit à la représentation d’une grande partie du corps électoral Breton.
On pourrait croire que la construction européenne mettrait la France devant ces contradictions antidémocratiques, la tentation est grande pour certains d’espérer affaiblir le centralisme français à travers un traité constitutionnel européen.
Mais c’est un raisonnement d’une naïveté confondante. Croyez vous sincèrement que Valery Giscard d’Estaing et ses complices de la convention soient des partisans du droit à l’autodétermination nationale du peuple Breton ? Croyez vous sincèrement que Jospin, Sarkozy, Chirac feraient la promotion d’un traité constitutionnel ouvrant des brèches sérieuses dans l’ultra-centralisme antidémocratique français, alors que tous méprisent toutes nos revendications y compris les plus basiques ? Dois rappeler qu’ils ne font pas que les mépriser, ils les combattent et les répriment.
Oui c’est vrai, ce traité remet en cause une partie des prérogatives des états, y compris de la France. Mais ils ne faut pas se laisser abuser par cet effet d’optique, bien évidemment les vertueux démocrates que j’ai évoqué plus haut ont pensés à tout.
Nous partageons toutes les critiques que font les opposants de gauche au traité à propos de la remise en cause des services publics (qui soit dit au passage n’ont rien de typiquement français), des acquis sociaux. C’est vrai ce traité remet en cause tous ces acquis (aussi perfectibles et critiquables soient ils !), ces acquis ont été gagnés dans le cadre des états existant ces cinquante ou cent dernières années, par ce que c’est le cadre institutionnel dans lequel avait lieu ces luttes revendicatives. Ce n’est pas faire du chauvinisme français que de le dire, c’est un simple constat de bon sens historique.
Les suppôts du libéralisme économique ( c’est à dire le Parti Socialiste, l’UMP, l’UDF…) font la promotion de ce traité pour cette raison. Par ce que ce traité fait la part belle aux grand patronat, aux multinationales qui ont tout à gagner à mettre en concurrence « libre et non faussée » les travailleurs des différents états européens.
Mais ce traité fait des états tels qu’ils existent aujourd’hui les seuls sujets de droit de cette constitution. Et c’est pour cela aussi que tout l’establishement politique français en fait la promotion.
Il suffit de lire le Traité pour s’en convaincre. Le traité constitutionnel en reconnaissant de façon officielle seulement les langues et cultures des états dominants nie la diversité linguistique et culturelle. Le traité viole les droits linguistiques et culturels de millions de citoyens européens. Je tenais insister sur cet aspect du débat ce soir car je sais que beaucoup de militants culturels Bretons (pas tous !) sont tentés par le « « oui » en espérant ainsi contrer la politique répressive et assimilationniste de la France vis à vis de la langue Bretonne ou du Gallo.
Dans la partie I, titre I (« Définition et objectifs »), le texte établit que l’Europe « respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen » (art. I-3/3). Mais cet « objectif » est inséré dans le même n° 3 de l’article I-3 qui constitutionnalise l’« économie sociale de marché hautement compétitive ». Les antilibéraux savent bien qu’il est impossible de promouvoir la diversité culturelle (notamment pour de petits groupes humains « non rentables ») dans le cadre d’une économie « hautement compétitive » au sein d’un « marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée » (art.I-3/2). Le néolibéralisme pousse, à terme, au tout-anglais, et dans l’immédiat, aux langues les plus rentables dans l’économie : en France, le français.
C’est tellement vrai que je tiens à rappeler qu’a la sous-préfecture de Guingamp, l’anglais est maintenant langue officielle à parité avec le français. Le sous-préfet à justifié cette décision, pourtant visiblement contraire à l’article 2 de la constitution française qui restera en vigueur en cas de victoire du « oui » , par ce que les anglais eux apportent une richesse au centre-Bretagne.
Du reste, juste avant la phrase sur le respect de la « richesse de sa diversité culturelle et linguistique », une autre phrase promeut, elle, la « cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres ». En clair, le respect de la diversité culturelle ne saurait avoir aucune incidence territoriale, et relève de la solidarité entre les États tels qu’ils sont aujourd’hui.
Si un doute pouvait subsister sur le sens à attribuer à ces morceaux de phrase alambiquées de l’article I-3, il suffirait de se reporter au n° 1 de l’article I-5 :
« L’union respecte l’égalité des États membres devant la constitution ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l’autonomie locale et régionale. Elle respecte les fonctions essentielles de l’État, notamment celles qui ont pour objet d’assurer son intégrité territoriale, de maintenir l’ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale ».
On le voit, l’Union ne respecte pas l’égalité des nations, mais des États membres. Elle respecte leur « identité nationale » (à noter le singulier, qui démontre qu’il s’agit bien de l’« identité nationale » des États) et respecte aussi l’« autonomie locale et régionale » si telle est la volonté de l’État concerné et selon ses « structures fondamentales politiques » inchangées. Dans le cas français, cela signifie que les « régions de programme » françaises issues du gaullisme (et qui sont restées la base de la « régionalisation ») seront donc « respectées », mais point des provinces ou nations historiques non reconnues par l’État. Chevènement et Mélanchon peuvent , sur ce point, respirer : il n’y aura toujours pas de « peuple corse ». L’intégrité territoriale d’un État est faite norme constitutionnelle, ce qui signifie que les nations sans état comme la Bretagne demandant d’accéder à un statut politique ou d’en changer, ne pourront nullement s’appuyer sur la constitution pour le faire évoluer, à plus forte raison pour jouir de l’autodétermination.
Voter « oui » c’est renforcer et figer les aspects les plus rétrogrades et anti-démocratiques du centralisme français vis à vis de la Bretagne.
Comme j’évoquais à l’instant les sinistres Mélanchon et Chevènement, je ne peux m’empêcher d’évoquer ceux et celles qui nous diabolisent en disant que nous mêlerons nos voix à celles de ces centralistes tricolores en votant non.
Cette insulte un peu facile peu se retourner très facilement contre eux. J’ai personnellement vu Kristian Guyonvarc’h (dont je ne me permettrais pas de mettre en doute la sincérité de l’ engagement pour la Bretagne et la langue Bretonne) faire la promotion du traité avec Bernard Poignant…Vous savez ce député européen PS qui déclarait son opposition à l’officialisation de la langue Bretonne il y a quelques années en déclarant : « la langue Bretonne officielle ? Plutôt m’arracher les dents ! »
Voter « non » ou « oui » c’est se déterminer sur un texte , c’est ce qui nous est demander, et rien d’autre. On ne mélange ses voix avec personne, on se détermine librement. Mais certains eux n’hésitent pas faire campagne ( et c’est autre chose que de prétendument mélanger sa voix !) avec la très démocrate …. Marylise LeBranchu !
Comment peut on faire campagne, faire copain-copine avec ce personnage qui a laissé croupir en taule des années des militants indépendantistes Bretons tout en sachant que leurs dossiers était vides ?
Ceux qui se disent de gauche et Bretons et qui nous demandent de voter « oui » en nous promettant de desserrer ainsi le corset français qui étouffe la Bretagne sont ceux qui nous demandaient de voter Mitterand en 1981 et 1988, Chirac en 2002….et LeDrian en 2004. Pas la peine de revenir longuement sur le peu d’avancées pour les droits nationaux du peuple Breton qu’ont apportés ces géniales consignes de vote.
J’évoquais tout à l’heure les prisonniers politiques Bretons, nous sommes nombreux dans cette salle à avoir goûtés aux joies de l’arsenal antiterroriste français…un arsenal liberticide qui fait des envieux jusqu’aux Etats-Unis. Voter « oui » c’est renforcer dans toute l’Europe la pluie de lois dites antiterroristes qui est tombée sur les militants indépendantistes et progressistes depuis le 11 septembre 2001.
Avec le projet de constitution Européenne les choses risque de s’aggraver encore. En effet ce traité légitime les structures de coopération policière et judiciaire (Eurojust et Europol) (article III-276) et Eurodac (centralisations des empreintes digitales). Un acte du conseil Européen définit ainsi le terrorisme « activités visant à déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou d’une organisation internationale ». Vous avez tous compris les risques que cela constitue pour les libertés démocratiques, politiques et syndicales. Voter « non » c’est lutter concrètement contre les lois anti-terroristes qui mangent chaque jour un peu plus nos libertés.
C’est un acte de solidarité avec les prisonniers politiques Bretons qui croupissent dans les geôles françaises mais aussi avec les quelques 200 prisonniers politiques qui peuplent les cachots de cette république. Il y a aujourd’hui en France plus de prisonniers politiques que lors de l’amnistie de 1981. En Europe ce sont des milliers de combattants et militants des luttes de libération nationales, et révolutionnaires qui endurent la même situation.
Ne les oublions pas !
Les tenants du « oui » nous accusent de céder à la tentation du repli, pourtant qui à part nous (même chez les partisans du non !) réaffirme clairement que voter « non » est un devoir de solidarité anti-colonialiste avec les peuples d’outre-mer sous domination française ? Guadeloupéens, Martiniquais, Kanaks, Polynésiens, Réunionais, Guyanais rejettent ce traité assimilateur. On a essayé de nous faire croire que ces peuples étaient français, maintenant on essaye de les assimilés de force dans le projet capitaliste de la grande bourgeoisie européenne.
Nous sommes maintenant à quelques jours du scrutin, restons méfiants face aux sondages car rien n’est gagner. Ils nous restent peu de temps pour convaincre et faire entendre le non Breton, indépendantiste, progressiste et internationaliste.
Quoiqu’il en soit, quelque soit le résultat du référendum nous devrons continuer à lutter contre la constitution…française, qui dans ses aspects les plus négatifs nous sera toujours opposée face à nos revendications. Cette constitution nous ne la reconnaissons d’ailleurs pas non plus. Il fallait le rappeler. C’est pourquoi nous tenons à nous démarquer des partisans du « non » aux accents tricolores, qui défendent le statu-quo centraliste français, facteur d’inégalités territoriales et sociales flagrantes.
Notre plan B nous ce la sera le plan Bretagne !
Nous continuerons à œuvrer et discuter sans exclusive avec tous ceux qui sont favorables au droit du peuple Breton à l’autodétermination. Dans les mois qui viennent nous leurs offrirons de constituer un front des libertés Bretonnes, par ce que notre avenir doit se décider ici !
En attendant votons non le 29 mai !"
Si vous souhaitez visualiser des photographies de ce meeting rendez vous sur :
http://membres.lycos.fr/asambles/